Deuxième bébé – Marceau
Récit de Mélanie ROSA
Lien vers le récit du premier accouchement
Mercredi 22 mai
A 18h, quelques contractions se font sentir par moment, nous décidons d’emmener Marie, notre ainée, chez mes beaux parents, en pensant que le travail pouvait commencer cette nuit.
A 20h, les contractions sont toujours irrégulières mais je sais que c’est un début de travail.
A 21h, Papa prépare des bougies, fait une bonne flambée… essaye que je me sente a l’aise pour sécréter de l’ocytocine ! On y croit !
On installe le matelas devant le poêle pour y dormir en attendant le début du vrai travail.
A 22h, les contractions sont toujours très espacées, on décide d’aller se coucher dans notre lit… rien ne sert de s’affoler si on peut dormir encore un peu… !
Jeudi 23 mai
Les contractions sont toujours présentes tout a long de la journée, toujours espacées et de manière irrégulières.
C’est la pleine lune… est-ce que le petit Marceau souhaite en profiter pour pointer le bout de son nez ?
Les charpentiers attaquent le chantier de la toiture et déposent toutes les tuiles du bas de la toiture côté terrasse sud. Un sacré chantier et du bruit toute la journée ! Nous qui pensions qu’ils n’allaient commencer que la semaine suivante… quel timing idéal… !
Comme si cela ne suffisait pas, le soir nous apprenons que nous devrons encore sortir des économies pour refaire l’isolation que nous n’avions pas prévu…
L’heure n’est pas à la sécrétion d’ocytocine, mais plutôt aux calculs de budget travaux…
Les contractions continuent de temps en temps malgré tout.
A 23h, une contraction plus forte que les autres me réveille et m’oblige à me concentrer sur ma respiration.
Vendredi 24 mai
A 2h, une nouvelle contraction me réveille.
A 3h20, nous sommes tous les deux réveillés avec Papa. La pleine lune de la veille joue peut-être sur notre sommeil. Nous en profitons pour discuter de tout est de rien, l’un dans les bras de l’autre.
A 3h40, une nouvelle contraction se fait sentir.
Puis 4h, 4h10, 4h20, 4h33… ok elles commencent à devenir régulières.
On décide de rallumer le poêle à bois. Je me pose sur le ballon juste devant et regarde Papa préparer les affaires :
le kit pour la sage-femme près de la salle à manger, le sac de maternité près de la porte fenêtre en cas de transfert à la maternité, le matelas par terre, le drap, la bâche… puis il gonfle la piscine.
Entre deux contractions, on discute, on papote.
A 5h42, Papa appelle la sage femme pour la prévenir que le travail a commencé, mais que c’est supportable. Elle nous rappelle dans 1h pour faire le point.
Les contractions continuent, et s’intensifient progressivement. Certaines sont parfois plus longues que d’autres.
J’alterne différentes positions : assise sur le ballon une main sur le rebord de la piscine, debout appuyée sur la cheminée, debout près du canapé… ou parfois à quatre pattes appuyée sur le ballon, Papa me massant le dos.
A 7h03, la sage femme rappelle pour prendre des nouvelles. Elle propose de venir vers 8h-8h30 après avoir déposé sa fille à la crèche.
Les contractions sont toujours toutes les 5-10 minutes, et ont tendance à s’allonger parfois.
Je mets de la musique, et me projette pleinement dans cet accouchement à la maison.
Je pense à ma fille, et à la rencontre avec son petit frère. Je pense à cette dernière grossesse qui s’apprête à s’arrêter. Les larmes coulent sur mes joues, et je me balance au rythme de la mélodie. J’ancre en moi ce doux moment que je suis en train de vivre.
Papa en profite pour appeler les charpentiers pour leur demander de ne pas venir aujourd’hui. Malheureusement ils sont obligés de venir et promettent d’essayer de faire le moins de bruit possible… après réflexion, nous décidons de mettre des bouchons d’oreilles qui me permettront de bien atténuer les bruits tout en continuant de profiter de la musique.
A 8h30, la sage-femme arrive, et fait un monitoring. Elle propose ensuite de m’examiner le col si je le souhaite, qui nous confirme que le travail a bien commencé. Elle nous laisse continuer tranquillement de notre côté et se tient à disponible si j’en ressens le besoin. Elle m’informe qu’elle pourra réaliser les touchés vaginaux à ma demande, mais ne m’en indiquera jamais l’avancée, pour ne pas me démoraliser.
Papa envoie un SMS à mes beaux parents pour leur annoncer que la rencontre approche, et qu’ils peuvent donner le sac que j’avais préparé à ma fille aînée.
A 9h45, une contraction me pousse à demander la bassine pour vomir. La sage femme revient monitorer le bébé, pour qui tout va bien.
A 10h, on décide de commencer à remplir la piscine. Les contractions sont désormais assez intenses.
A 11h00, je rentre dans la piscine, les contractions sont très intenses, et commencent à devenir de plus en plus longues. Je tiens ma respiration avec de longs souffles. Je sens mon bassin, mes reins et mon utérus de manière tellement forte que j’ai parfois des haut le cœur et de nouveau des envies de vomir.
Je suis assise, une main agrippée à la poignée, l’autre agrippée à Papa, qui fait comme moi, serre très fort tout le long de la contraction. Puis nous desserrons nos mains entre chaque, ensemble. Il souffle avec moi, pour me guider. Je me concentre sur nos mains qui se serrent et son souffle sur mes bras.
A 11h30, la sensation des contractions est très forte, tellement forte que je trouve le temps long. Je demande à appeler la sage-femme pour qu’elle m’examine à nouveau, espérant voir dans ses yeux que bébé est bientôt là. « C’est super Mélanie, ce que tu fais, ca avance très bien ». Je n’ai pas la moindre idée de comment le travail évolue. Je sens tout de manière si intense, qu’il me tarde que tout ceci prenne fin.
A 12h, j’ai du mal à gérer la douleur. Ces vagues qui me frappent de plein fouet, sont très longues parfois. J’ai envie de crier. Je me retiens, je privilégie de souffler pour accompagner bébé. Je me répète ces quelques phrases « Une contraction après l’autre », « Super champion, tu fais ça comme un chef », « Ensemble, bientôt dans mes bras », « Je suis forte »…
A 12h30, je sens mon bassin qui s’ouvre, et que la tête appuie sur le rectum. J’essaie de toucher, de sentir… je suis perdue. Je ne sens rien. Pourtant, il faut qu’il arrive, c’est beaucoup trop intense maintenant…
Je pousse désormais des cries. Mais je veux être sûre qu’il ne soit pas trop tôt pour pousser.
Je demande dans un râle à la sage-femme si c’est le bon moment. Elle me répond qu’il faut que je me fasse confiance, si je sens la tête.
Je me mets à genoux, j’essaie de toucher, je ne sens qu’une sorte de muqueuse, mais j’en suis sûre il faut que ce soit la tête. Après une contraction, puis deux peut-être… la tête est désormais dans ce cercle de feu, entre intérieur et extérieur. Elle est encore dans sa poche.
« La tête est là ! », je crie stupéfaite, et pas très sûre de ce que je touche.
Je pousse à la contraction suivante en accompagnant de cris rauques.
La tête sort. Je la tiens dans ma main, toujours dans sa poche. Plus de doute…
Le moment est très intense. Je tremble de tout mon corps. A la prochaine contraction, qui tarde à venir, je pousse légèrement en retenant avec ma main.
A 12h38, en un souffle, le petit Marceau finit son voyage. Son corps tout entier sort, et je le hisse au dessus de l’eau contre moi.
« Coucou champion », lui dis-je à voix basse encore toute tremblante.
Je recule pour m’assoir et reprendre mes esprits… mon mari est derrière moi, nous prend dans ses bras.
Je n’arrive pas à réaliser… J’ai accouché à la maison, dans mon salon. Et j’ai ce tout petit bébé contre moi, enveloppé dans sa serviette qui nous regarde, tout calme… comme s’il savait parfaitement où il se trouvait.